Au Pays des Enamoradores

10 février 2011

Au Pays des Enamoradores

« Enamorar » en espagnol c’est comme « tomber amoureux » en français, sauf, et le détail est de poids, qu’il s’agit ici d’un verbe d’action. Point de petite fleur bleue romantique qui attend, languissante, son prince charmant, on part à la Conquête, fleur au fusil, on essaie, on tente, on ne se laisse pas vaincre. Au Pérou le terme est beaucoup utilisé et sa gente masculine des guerriers de la Drague. Bienvenue au pays des Enamoradores.

Moi aussi j’avoue j’étais sceptique en posant les pieds au Pérou. Car sans vouloir tomber dans les clichés l’Homme péruvien n’apparaît pas en premier ligne des fantasmes féminins et d’ailleurs il n’aurait aucune raison d’y être. Petit, rablais, souvent un ventre naissant, le visage caramel mais les traits un peu grossiers, de sex-symbol on est en loin… Au contraire si je vous dis Brésil vous voyez des Appolons caramel défiler en légion, des afros-brésiliens ceinturés dans leur pantalon blanc de capoeiriste et torse nu… Si je vous dis Argentine vous imaginez en gaucho en selle sur son cheval galopant la plaine et descendant de sa monture en vous couvrant de « rrr » affriolants… Si je vous dis Colombie vous avez en tête un salsero et ses pas endiablés qui vous entraîne collé-serré au bout de la nuit… Bref, ne nous égarons pas. Tout cela pour vous dire que le plus fort taux de testostérone d’Amérique latine je ne l’aurais certainement pas situé au Pérou.

C’est que j’avais omis trois détails: des prunelles noires qui ne vous lâchent pas, un sourire franc et une volonté à toute épreuve. Le Péruvien drague absolument partout, avec une assurance inébranlable, et, au moindre sourire de la demoiselle, se sent adoubé pour tout oser. Moi qui reçois ici dans la jungle beaucoup de volontaires, je vous l’assure: ça marche. Pas de temps d’hésitation, pas de permissions, ils vous entraînent dans la danse, vous serrent d’une main ferme et posent un baiser avant que vous n’ayez eu le temps de penser. Ils ont compris la clé du succès: ne pas laisser à la demoiselle le temps de plonger dans les éternels atermoiements féminins. Décider pour elle. Tout cela relève biensûr du risque calculé mais, chaque fois que je vois le Miracle des Enamoradores péruviens prendre forme sous mes yeux, je reste bouche bée.

Evidemment la chance n’est pas chaque fois au rendez-vous mais, puisque il la saisissent à la moindre étincelle, elle est forcément multipliée. Cela fait donc deux fois que, en faisant mes courses au supermarché, littéralement entre l’allée des fromages et de la charcuterie ( car à Lima, ça existe), on attrape mon regard au vol et se lance… « que vraiment, que excusez moi mais jamais, non jamais, je n’avais vu une fille aussi jolie… » La fille la plus jolie du supermarché, de la ville, du monde entier bien souvent, la flatterie n’a plus de limite tant qu’au fond des prunelles noires brillent un savant mélange de désir et de sincerité. L’un d’entre eux devait bien avoir 60 ans mais il ne semblait même pas s’en être aperçu. Ne pas se remettre en question et jouer de ses atouts, tel est le secret.

Dans la rue ils vous brûlent des yeux et si vous avez l’ innocence d’esquisser un début de conversation vous vous retrouvez en quelques secondes avec votre main au creux des siennes sous la pluie de poésie de votre preux chevalier. Le terme a même un nom: le « piropò », l’art de flatter, de faire succomber les belles sous la douceur des adjectifs, de leur dessiner un chemin de fleurs qu’elles entraîneront dans leur sillage.

Devrais-je préciser que ce miel prend peu auprès des demoiselles dudit pays, habiles à voir briller davantage le désir que la sincerité, repues des flatteries et des mensonges qui les accompagnent et surtout désabusées de ces Enamoradores qui, telles des girouettes, vont où le vent les portent. Elles s’en méfient, sourient parfois mais ne se laissent pas brûler ou, sur un principe établi comme un contrat: le « choque et fuga »-« entrer en collision et prendre la fuite », l’équivalent de notre coup d’un soir.

Mais les fleurs bleues européennes ou américaines tombent comme les blés, fauchées par tant d’assurance. Habituées aux discours ambigus, aux dragueurs lourds-dingues, aux êtres torturés ou à ceux qui vous font signer un contrat de deux pages avant le premier baiser, elles s’étonnent de tant de simplicité et, main dans la main avec leur Enamorador, se demandent encore comment tout cela a eu lieu.

Le hic c’est que l’étape suivante c’est le mariage et les enfants, se projeter, vivre à toute force. Pourquoi réfléchir, prévoir, planifier? La vie décide, on la suit. Et là entre la fleur bleue et l’Enamorador c’est souvent le clash. Les flatteries ne suffisent plus. Et la Conquête se transforme en traité où l’on négocie points par points tentant d’aplanir les différences culturelles, mais ça c’est une toute autre histoire, celle de la réalité d’un coouple dans beaucoup beaucoup de pays.

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Commentaires

Vaness'
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Quel succés Christelle!!! Ravages au supermarché ;)
En même temps tu ne dois pas passer inaperçue avec tes beaux yeux.La belle gosse chti ;)
J'ai adoré l'expression "choque et fuga"!
Des bises au passage.

Christelle BITTNER
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Hé hé, ça c est sûr que les yeux bleus ici c est le sésame... Et oui le Pérou est plein de poésie!! bise

David Kpelly
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Mais dis-moi, Enamorate au pays des Enamorades (ça sonne bien) tu veux quoi, hein! T'as déjà répondu à ta propre question dans ton texte. Si les malabars de Pérou savent qu'ils ne sont pas Adonis, pourquoi doivent-ils donner le temps aux gonzesses de les juger sur leur physique ingrat, hein! Faut vite cueillir avant qu'elle ne se rende compte que vous n'êtes pas beau, ni élégant, que vous ne sentez pas bon, que vous avez trop de tics, que vous avez une mauvaise dentition... Ah, sacrés Péruviens, sacrés Enamoradores!
Tu décris très bien! Félicitations
Amitiés!

Christelle BITTNER
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Tout de suite... Elegants si et parfumés si, le reste c est selon les goùts de chacun... Merci. J avais choisi le pseudo en fonction, depuis le début cette histoire d amour et d enchanteurs c est mon fil rouge...bise

Julien M.
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Oui, on sent la connaisseuse en te lisant !... Pardon mais je n'arrive pas à te plaindre en voyant la description que tu en fais... mais sûrement ce n'était pas l'objet de cet article ;)

Christelle BITTNER
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Mais je ne me plains pas... je note juste que dans les formes on ne s y prend pas de la meme facon... et evidemment que c est rejouissant a observer et a vivre!

manon
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Ah! et si je vous dis Suédois vous pensez corps de tennisman et Wasa, sable gris dans des cheveux blonds...

Et si je vous dis Sénégalais vous pensez humour et charme dévastateur, tout ça dans un body, comme on dit à Berlin pour les mecs bien foutus, athlétique comme celui de Tony Parker...

Et si je vous dis Français? la mèche dans l'oeil et la guitare sur les genoux, la parole fleurie et timide...

Ah les hommes...Comme on les aime! Et les Allemands? euhhhh... excellent sujet pour le prochain article.

ici à Berlin je connais un Péruvien ultra sexy, dangereux et rebelle, tatoué de partout, gentleman comme pas deux, une belle exception à ta très amusante règle qui m'a fait sourire de bout en bout. La suite des aventures amoureuses péruviennes, vite!

Christelle BITTNER
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Chere Manon... Tu as rencontre le peruvien d exportation... le modele type indio, sexy, sec, rebelle, quand meme avec des principes herites d une societe qui est assez etiquetee au final... Ici ils ne comprennent pas cette attraction des filles, gringas souvent, pour ce genre d hommes un peu mauvais garcon, type deprave comme ils disent...et je t assure que ca les laisse perplexes. Pourquoi pas un docteur bien mis? un homme responsable et bien peigne? Ici ce sont les moches, au regard des leurs, qui raflent les gazelles!!

René Nkowa
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Ce genre de spontanéité manque chez le mâle camerlock. Quand un mec attaque (toute l'approche que tu as décrite nous on l'appelle attaquer) un dossier (une nana) il met un soin pointilleux à recueillir toutes les infos sur la belle.
C'est rare pour un gars ici chez nous d'attaquer une fille dès la première fois.

Christelle BITTNER
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Ici aussi il y a un vocabulaire poretique qyui ressemblerait á chopper... mais il m echappe a l instant...je vous dis si je me souviens...

Julien M.
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Il disent "ligar" ?

Christelle BITTNER
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Trente ans plus tard je lis ta remarque!! Ligar? Non j amais entendu... pour choper? je cherche toujours...

René Nkowa
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Je vois que tu n'as pas encore retrouvé un clavier Azerty!

Christelle BITTNER
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Effectivement... je buggue pas mal desolee... encore un peu de patience

Nicolas
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Je suis d'origine Péruvienne.. super article ;) !!