Ont Voté

25 octobre 2010

Ont Voté

Il y a quelques semaines ont eu lieu les élections municipales et régionales. Dans notre département, Chanchamayo, la fille de Fujimori, Keiko a raflé tous les sièges. Sauf à Pichanaki où est arrivé vainqueur un outsider, Raul El Gallito, sous le slogan « un agriculteur à la mairie ». Voilà qui en dit long .

Les élections de par le monde finissent par se ressembler. Alors que le Pérou a voté il y a presque un mois, on compte toujours les voix pour savoir qui de la dynamique et solidement appuyée Lourdes ou de la gauchisante Suzanna va à sortir vainqueur à Lima, la capitale. Et les journaux se repaissent de l’ultime scandale : Alan Garcia, président de la République, aurait répondu par une baffe bien sentie à une insulte lancée dans la foule lors d’une visite officielle. Riposte musclée et justifiée par l’homme à la tête du système judiciaire péruvien. « Corruption », souffle-t-on.

Mais à Chanchamayo, notre département, rien de tel. Ce fut un raz de marée. Une vague d’approbation pour une couleur, l’orange, celle de Fuerza 2011, le parti de Keiko Fujimori, « fille de ». Son papa, président de la République de 1990 à 2000, notamment pendant l’époque terroriste, a été condamné pour violations des droits de l’homme pendant son mandat. Ici, on riposte que tout ça n’est que magouille pour salir une famille qui est la seule à avoir fait quelque chose pour le peuple.

Déjà à son époque Papa Fujimori traversait le Pérou en tracteur pour rendre hommage aux plus pauvres, les agriculteurs. Méthode qui continue de faire ses preuves, on y reviendra. Mais ce qui sous-tend la ferveur populaire dans la région c’est la lutte féroce qu’a mené l’homme contre le terrorisme. Dans les années 80 la majorité du Pérou était aux prises avec les révolutionnaires du Sentier Lumineux, mais dans la Selva Central un autre mouvement sévissait. Los « negros » (les noirs) ; en opposition aux « rojos » (rouges) du Sentier Lumineux; du MRTA, Mouvement Révolutionnaire Tupa Amaru, du nom d’un Inca, chef rebelle lors de la conquête espagnole. Les groupes entraient dans votre maison, s’asseyaient à votre table, se couchaient dans les lits disponibles, montaient dans vos voitures et se cachaient dans la jungle à l’époque plus épaisse.

Presque toutes les personnes que j’ai rencontrées dans la région ont eu affaire au MRTA, perdant un frère, un ami, une sœur. La répression sévère a donné aux villes en contrebas, comme Pichanaki, des allures de guerre civile. Il n’était pas rare que des balles fusent dans les rues la nuit tombée. Victimes de dénonciation, des terroristes eux-mêmes, des représailles, des balles perdues, tout s’est mélangé et ne régnait plus qu’un climat de peur et d’horreur. Auquel, si l’on écoute les habitants, a mis fin Fujimori. S’il est aujourd’hui en justice c’est que dans sa guerre contre le terrorisme l’ex président a fait preuve d’un tel « enthousiasme » qu’il en a profité pour régler quelques comptes et l’armée, sous ses ordres, s’est parfois comportée comme un groupe mercenaire.

Ici, on ne retient qu’une chose : quelque soit ce que ça a coûté, le calme est revenu. Et voilà Fujimori auréolé de gloire éternelle. Il a investi dans les écoles et centres de santé, construit des routes, désenclaver les campagnes isolées et pour cela les habitants lui vouent un véritable culte dont jouit sa fille aujourd’hui.

Populaire ou populiste, reste à fixer la limite. Mais, face à des candidats qui de toute façon seront corrompus, la seule façon d’envisager la politique ici, les votes vont à ceux qui savent se positionner du côté du peuple. L’ex président a fait appel et la justice suit son cours, mais, ici, ce jugement importera peu. C’est l’homme qui a mis fin aux horreurs et remis le Pérou en ordre de marche économique. Peu importe que ce fut une marche forcée, il est pardonné. Et Keiko n’a qu’à se pencher pour ramasser les couronnes de laurier. Dans un récent sondage, elle arrive en 2e poistion des intentions de vote, elle a remporté le département et quasi toutes les mairies… sauf Pichanaki.

Mais c’est tout comme. A Pichanaki est sorti vainqueur un agriculteur tout sec, armé de sa casquette, qui a fait le tour de la ville… en tracteur ! La boucle est bouclée. Il appartient à un petit parti indépendant, m’avait tout l’air d’une marionnette dont quelques astucieux tirent les ficelles, mais dans un pays où la corruption est partout et la méfiance obligatoire, le slogan « un agriculteur à la mairie » fait toujours recette.

C’est le seul qui n’a pas offert son pack de bières ou son plein d’essences à l’électeur ; oui c’est ainsi qu’on séduit ici ; le seul qui n’avait pas d’argent pour organiser des concerts gratuits avec open-bar et pourtant celui qui a soufflé la victoire au nez et à la barbe des nantis et notables du coin. Justement car on a su vendre son image humble et propre. Qu’il ne soit pas qualifié pour gouverner une ville qui croit de façon archaïque et manque cruellement d’ infrastructures et de services publics ne semble pas importer.

On hausse les épaules, on attend de voir, peut-être qu’il ne fera pas de miracles mais qu’il sera honnête. Aujourd’hui c’est tout ce qu’attendent les péruviens d’un maire ou d’un candidat.

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Commentaires

manon
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Article passionnant et éclairant, en particulier sur les MRTA... merci encore de nous faire découvrir le Pérou, Enamorate.

Christelle BITTNER
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J espere a tres vite pour d autres Perou...