30 décembre 2010

Le Pérou relooke Papa Noël

Campagne publicitaire BCP. Tous droits réservés.

Ça faisait un petit moment que je voulais vous le présenter, Papa Noël tiré par ses lamas et bien « perucho » comme on dit ici. Revue de détails.

Les Péruviens sont fiers de leur pays. Et même si ils sont les premiers à déplorer la corruption ou à s’excuser d’un « ici forcément ce n’est pas comme chez vous » quand ils vous ouvrent leur porte tout naturellement, rien ne peut ébranler l’âme péruvienne. Elle est ce lien étrange qui de la Côte au cœur des Montagnes réunit un peuple qui en est cent. Ce fond de valeurs commun, cette identité nationale qui rappelle un autre sujet mais semble ici relever d’une alchimie mystérieuse.

J’étais l’autre fois au guichet de la Banque BCP quand j’ai été frappée par une apparition qui corrobore le couplet précédent… Père Noël trônait dans le fond avec un message: « Esta Navidad mas peruanos que nunca. Felices Fiestas! » : « Ce Noël, plus péruviens que jamais. Joyeuses fêtes. »

Et voilà que mes yeux rencontrent un Père Noël, bien évidemment à la barbe blanche et en tenue de gala rouge, looké comme une fierté nationale et la hotte chargée de symboles.

Bref passage en revue. Les rênes sont ici deux lamas galopants ornés de leurs tissus traditionnels, « mantas colorées » qui servent souvent à transporter les provisions ou les enfants sur le dos des paysannes. Son traîneau est en paille « tortora » sur le modèle des Iles Uros, ses îles flottantes du Titicaca, qui dansent en équilibre sur l’immense lac mythique. Les embarcations utilisées pour se rendre d’une île à l’autre ou sur la berge s’enroulent sur le devant comme le traîneau.

L’homme lui-même cache sous sa barbe blanche un visage buriné. Son habit est orné de broderies traditionnelles. En lieu et place d’un chapeau en pointe il porte le « chuyo », bonnet traditionnel avec sa pointe en arrière, ses larges oreilles et ses deux pompons. Et, aux pieds il a de chaudes chaussettes en laine de lama ou d’alpaga et ses « yankees ». Je ne sais absolument pas l’orthographe du mot qui appartient décidément à l’argot péruvien mais c’est ainsi qu’on désigne les sandalettes de Père Noël: un modèle des champs, faits à partir de pneus, croisé sur le devant, inusables et symboles pour une jeune génération (les artisans des rues par exemple) de leur appartenance culturelle. Bref Père Noël est à la pointe de la revendication nationale.

Dans sa hotte, il promène d’autres fiertés nationales. Cette petite guitare qu’on nomme « charango » et que l’on m’a toujours présenté comme bolivienne mais je ne voudrais pas me fâcher, une « zampona », cette petite flûte à deux étages, un lama en peluche, une petite poupée andine, des cadeaux soigneusement emballés dans leurs mantas traditionnelles et, si je ne m’égare, du café ou du chocolat en vrac.

Si on considère que sur les étals de Pichanaki, les jouets à 5 soles made in China faisaient ravage et qu’une certaine demoiselle m’a commandé une Barbie Fashionista, je ne suis pas sûre que ce Père Noël ne soit pas un mensonge national de plus mais il a au moins le mérite d’exister et de m’avoir enchanté.

Si j’en crois les journaux la foule stressée et avide de consommation s’est pressée aux étals de Lima et des grands magasins. Ici, dans notre petit bout de jungle, tout était très calme. Le soir de Noël des pétards ont éclaté à minuit et les familles ont attendu les douze coups pour se jeter sur la dinde, il y a eu quelques chants, quelques verres de vin rouge sucré et de rares cadeaux échangés sous le manteau car il n’y en a pas pour tout le monde. Tout ça s’est fini, comme toujours, sur la piste de danse de la disco locale où la foule s’agite autant sur la techno américaine que sur les rythmes de la sierra et de la selva… Fiers, je vous dis.

Reste à regretter pour mes lecteurs mâles que Papa Noël ne soit pas davantage en habits de la jungle. Il aurait alors porté une grande robe aux motifs traditionnels, un petit chapeau rehaussé d’une plume et aurait été entouré de deux ou trois créatures dévêtues qui auraient fait osciller autour de lui leurs ceintures en graines portées au raz des hanches. Une idée pour la campagne BCP 2011. Très joyeuses fêtes à vous!

PS: Un grand merci à l’agent BCP qui m’a « régalé » (offert) cette affiche pour que je puisse vous la montrer.

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Commentaires

Andriamihaja Guénolé
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C'est pour la première fois que je vois une nouvelle tête du Père Noël :)
Et je peux dire que ça change du quotidien!

Christelle BITTNER
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Ça c'est de la revendication identitaire, je vous l'avais dit... Si le Pérou est sous les feux de l'influence américaine et des produits chinois, il y a aussi une vraie fierté et sentiment national... Je ne vous ai même pas parlé des tonnes de titres de journaux consacrés à Mario Vargas LLosa, prix Nobel de Littérature local. Ici dans la selva, la nouvelle n'a rien bouleversé mais, dans les médias, ça fait trois mois, que l'écrivain fait l'objet d'un sujet quotidien... Que serait-ce si ils gagnaient la Coupe du Monde? Fort heureusement ils ne se qualifient jamais... Sans rire, ça impose plutôt le respect un pays qui fait front de cette façon: du cadre en cravates à l'artisan en yankee, l'amour du Pérou vit.

Alimou
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Description assez cocasse, forte en détails plus croustillants les uns que les autres! J'adore. Et Papa Noel, relooké de cette façon fera pleuvoir les cadeaux, pourvu que ceux-ci soient assez nombreux pour arriver jusqu'ici à Conakry....

David Kpelly
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Quel père Noel, bon Dieu!

manon
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Chez nous, pas de Père Noël fou de saucisses et de bières made in Berlin, mais son tour de taille est déjà bien allemand.

Christelle BITTNER
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Ah mais le tour de taille péruvien n'est pas mal non plus... c'est un pays très rond et de plus en plus...merci Inka Cola et toutes boissons gazeuses... l'objet d'une prochaine galerie de portraits, si j'en ai le temps, sur la Roooonde Selva.

MONTEZ
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Bravo pour cet article que je découvre après l'image du Père Noël Péruvien découvert par hasard.
Je reviendrai ....
Joyeux Noël 2015