Une petite pièce s’il vous plaît…

31 décembre 2010

Une petite pièce s’il vous plaît…

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Le Pérou est une destination très visitée et les Gringos, ces touristes à la chair blanche, sont très sollicités. Au point d’avoir l’impression que la misère s’est donné rendez-vous pour les prendre d’assaut. Je les arrête tout de suite. A Pichanaki, petite ville de la Selva, où passent 10 gringos à l’année, la mendicité existe aussi. On ne demande pas la charité qu’aux Blancs.

Dans une vie, il est souvent donné de changer de point de vue. Il faut alors simplement savoir ouvrir les yeux. C’est ce qui m’est arrivé avec le Pérou. Débarquée moi aussi blanche, blonde, yeux bleus et sentant le dollar, je vis aujourd’hui en essayant de monter un projet associatif et touristique avec des producteurs de café dans un village perdu de la Selva Central. Rassurez-vous, je suis toujours aussi blanche et étrangère, mais je ne suis plus une touriste et surtout, ici, il n’y en a pas. Il m’est donc donné d’observer un Autre Pérou, celui des péruviens, du quotidien, de la vie qu’il faut prendre à pleines mains, loin de la manne rêvée ou providentielle que le Gringo amène collée aux semelles de ses boots Quechua.

Parfois je me souviens, de mon ancien statut, de ce que je pensais alors, de ce que j’écoutais. A Cuzco, empire touristique au pied du Macchu Picchu, j’avais été très fière d’emmener au Bemboo, le Mac Do Local, un groupe de trois fillettes qui m’avaient arrêté dans la rue. Ici, je vois régulièrement des péruviens donner un plat de riz, un pain, aux gamins qui défilent dans le restaurant « chic » de la ville, une chifa (cuisine chino-péruvienne) à 8 soles le menu doit 2,50 euros.

Ici je me suis souvenue que la mendicité n’était pas réservée aux grandes villes et aux bataillons blancs qui se sentent toujours agressés. A Pichanaki aussi des petites vieilles vacillantes portent des sachets de pop-corn éventés, des gamins attendent pour cirer vos chaussures et d’autres écument les quelques restaurants en vendant chocolats et bonbons ou en poussant la voix : ici, on ne tend pas juste la main, on vend toujours quelque chose. Et j’ai vu mes amis artisans qui travaillent à même le trottoir et ont eu un jour vaste ouvrir leur porte-monnaie et donner. Comme moi. Comme le voisin. Sans différence. Juste, comme dans tous les pays du monde, pour faire quelque chose, partager.

Souvent derrière ces enfants des rues, il y a des parents, certains diront, sans le choix, d’autres sans vergogne, et donner est aussi encourager une pratique de dépendance… Certes, mais vouloir une autre solution à long terme n’empêche pas de semer quelques pièces.

Ici aussi, il y a les musiciens avec leur guitare, flûte, sono et refrains folklores un peu kitsch. Ici aussi on leur oppose la plus parfaite indifférence, refusant même de baisser le niveau de la télévision, mais, parfois, un pied marque le rythme, un regard s’arrête et le musicien joue alors pour quelqu’un. Le chapeau tourne et au final se remplit aussi bien que dans les attrapes-touristes où le susdit touriste attrapé a toujours peur de « donner trop ».

Il n’est pas question pour moi de faire la morale, simplement, au moment où s’achève l’année, au moment des bilans, je révisais toutes les idées passées en tête et pas encore traitées et je me suis dit que celle du changement de point de vue en était une trop longtemps laissée de côté. Quand je repars sur les routes du Pérou, remets mes habits de gringa et disperse à nouveau cette odeur de dollars, j’essaie de me souvenir que même dans les toutes petites villes la misère cherche ses bienfaiteurs. Ce n’est pas à moi qu’elle en veut, ni au symbole que je représente, elle se glisse partout et s’accroche aux manches de tous, indifféremment.

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Commentaires

manon
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J'ai vu récemment dans le RER des ouvriers blacks ouvrir leur portefeuille pour une jeune junkie tout ce qu'il y a de plus blanche qui faisait la manche.

Nous autres occidentaux venons d'une culture qui se dédouane de la charité et du partage, en cherchant des "solutions à long terme", tout en dépouillant le Tiers-Monde de ses moyens de subsistance.

Ton article est formidable car il remet les gripsous à leur place en bonne et due forme. Bonne année!

Christelle BITTNER
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Merci Manon... Moi aussi je suis plus adepte des solutions long terme, normalement, mais, depuis le terrain , je vois bien qu'on a pas tous les facteurs, que les choses avancent doucement et que la folie des réunions, rapports et projets en général ne donnent pas à manger!