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    Un Autre Pérou
      21. avril
      2011
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      La salsa, sport de combat

      Série 1.8 - © Yaovi ADO Que fait une parisienne péruvienne d’adoption quand elle revient à Paris? Elle parcourt les expos, boit du rouge, se souvient qu’ici la vie est légère et fait ses premiers pas dans le cercle fermé des clubs latinos. Récits de quelques figures forts acrobatiques à La Pachanga.

       

       

      Comment ai-je pu oublier qu’en France on fait tout sérieusement? Nostalgique de la chaleur des boîtes de nuit péruviennes, j’ai voulu retrouver ces rythmes chaloupés ici même à Paris. Une copine vient de tomber dans la marmite à salsa et bachata, elle me donne rendez-vous au Pachanga, l’un des lieux de prédilection des amateurs de danse latino dans la capitale. « A partir de 19h il y a cours et dès 21h tout le monde danse avec tout le monde. »

      Je ne suis pas exactement ce qu’on appelle une pro. J’aime danser, je laisse mon corps suivre le rythme et je ne m’encombre pas à compter les pas. Dès que mon cerveau prend le dessus sur mon corps c’est une suite d’embrouilles, d’inhibitions et de calculs qui nuisent grandement à la fluidité du geste. Néanmoins, un petit cours de rattrapage ne pouvant pas nuire, j’opte pour l’option apprentissage avant la grande séance d’impro.

      Vendredi soir, le parquet est plein à craquer. On forme des cercles emboîtés les uns dans les autres comme des poupées russes. Le prof a un micro vissé sur la tête, très pro. Et la torture commence: un deux trois quatre, elle tourne, vous tournez, petit pas à droite, face-face, on pointe, on tend, on marche, devant derrière, renversé, olé. Une vérité m’apparaît: moi qui ai passé des mois sur les dancefloors d’amérique latine (pour mieux comprendre la culture locale naturellement) je n’ai pas le niveau. J’en suis même très loin. Là-bas personne ne m’a jamais rien dit, mais, ici, je note un certain agacement dans les regards de mâles ambitieux. Ils font ce qu’ils peuvent pour sauver la situation, je fais de même, on change de partenaire, olé.

      Le challenge dans les danse latines c’est de se laisser guider. Faire confiance à la poigne d’un homme pour vous faire tourner la tête, le corps, les pieds comme une poupée. Là, lecteurs, vous vous dites »en fait les filles n’ont rien à faire… » Certes moi aussi c’est ce que je pensais, compatissant avec ces gars sur les épaules desquels repose le succès d’une chorégraphie. Parfois ça marche, c’est magique. Il guide, je m’abandonne, je ne veux ne plus le quitter. Car je viens de comprendre la nécessaire qualité des femmes en danses latines, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler leur place dans ces sociétés: la souplesse. Collé-serré, grandes enjambées, mains fermes, mains moites, plus grand, plus petit, castrateur, timide… Il y a autant de façons de danser qu’il y a d’hommes et passer ainsi de mains en mains donne le tournis. Je patauge entre deux moments de grâce. Point d’abandon.

      Quand sonne la fin du cours, on reprend les choses dans les règles. Les filles posent en bord de piste les yeux dans le vague. Les hommes invitent, forcément. Et, même si tout le monde danse avec tout le monde, il y a des catégories. Ceux qui se connaissent, reconnaissent et virevoltent sur le plancher. Ceux qui apprennent à se connaître et… « Tu fais la cubaine ou la portoricaine? » Dios mio. Je fais comme je le sens ça ne marche pas?

      Une autre prudente session de « yeux dans le vague » me fait remarquer qu’il n’y a pas ici beaucoup de latinos. Des blancs auxquels ça fait autant de bien qu’un cours de coaching. Des blacks expérimentés. Sans doute qu’à Lima, la capitale péruvienne il y a aussi des cours, des figures, des jurés qui lèvent une petite ardoise avec leurs notes, mais souvent on danse comme on boit: pour oublier et prendre du plaisir. Au Pachanga, on serait plutôt dans la récitation du Kama-Sutra de la salsa: le plaisir est accessible à ceux qui pratiquent et connaissent les règles.

      Sauf qu’heureusement, avec un peu d’obstination, je finis par me faire reconnaître moi aussi. Par un fou, un esprit libre qui mixe les pas et la dérision. Mère russe, père roumain, comme quoi la salsa n’a pas de frontières. Enfin un qui s’amuse. Plus rien à compter, juste à suivre, à challenger, à rire. Comme « à la maison » j’ai eu toutes les peines du monde à l’éconduire hors du parquet. Mais l’objectif était rempli et la Pachanga pardonnée.

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      08. avril
      2011
      Jungle Politique
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      Présidentielles: le Pérou écartelé

       

      Premier tour de l’élection, ce 10 avril. Les deux favoris? Humala qu’on dit « populiste de gauche » et Keiko, fille de Fujimori, condamné à 25 ans de prison pour violation des droits de l’homme… Deux figures qui parlent au nom du peuple agacé de se sentir écrasé.

      Lors de l’élection précédente, Face à Humala déjà, le Pérou avait finalement choisi la « voie raisonnable » en réélisant Alan Garcia. Le centriste a permis au pays de garder un taux de croissance plus qu’honorable, on frôle avec les 10%, mais collectionné les scandales de corruption comme on enfile des perles sur un collier. Résultat? Une rupture de plus entre le peuple et son président et un grondement de révolte de ceux que le « développement » oublie.

      Le Pérou brille, des immeubles flambant neuf se construisent, des 4×4 aux vitres fumées filent dans Lima alors que les paysans des coins reculés du pays ne voient rien changer. Quand vient le temps de voter, une démarche obligatoire au Pérou sous peine d’amende, on vote sanction, on vote action, on vote chambardement: cette fois sous les noms d’Humala et Fujimori. Dans les sondages, ils sont en tête, devant les économiquement raisonnables, Toledo et Castaneda. Si le vote valide ces études d’opinion il dira la réalité d’un pays fracturé entre des riches toujours plus riches et des pauvres oubliés: un grand classique.

      Résultats du premier tour ce dimanche soir. Ensuite il restera jusqu’au 5 juin aux « raisonnables », partisans du réalisme économique, pour s’unir.

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      08. avril
      2011
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      C’est qui cette Gringa?

      Il n’est jamais facile de parler de soi. C’est pour ça que j’ai confié cette tâche à un autre ami de l’aventure Mondoblog, Alimou, 30 ans qui blogue depuis la Guinée.

      Les errances d’avant, les rêves de maintenant, le vent qui court dans mes cheveux blonds… Si vous avez envie d’en savoir un peu plus sur l’auteure de ce blog, c’est dans son post « Christelle, passerelle entre le Pérou et la France ».

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      06. avril
      2011
      Jungle Politique
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      Présidentielles: « le plus beau déguisement est attribué à… »

      Premier tour de la présidentielle le 10 avril, ce dimanche. Pour séduire l’électeur tout est bon. Comme Jacques Chirac qui tâtait le cul des vaches au salon de l’agriculture pour monter dans les urnes, les candidats péruviens sont partis en tournée dans les régions et n’ont pas hésité à mouiller et même changer la chemise.

      Sur le modèle d’un excellent Top 5 des présidents africains chics d’un collègue Mondoblogueur, je suis heureuse de vous présenter le Grand concours de déguisements traditionnels de l’élection présidentielle péruvienne.

      Ici, le vote est obligatoire. Tous glisseront donc un bulletin dans l’urne, même dans les villages oubliés ou parmi les populations les moins éduquées. Aux élections locales on en était donc à appâter le client à coups de distribution d’essence et de tournée de bière. Pour la présidentielle, on est un peu plus propre sur soi. Pour séduire l’électeur populaire et rendre hommage à la multicuturalité du pays, les candidats se travestissent et font corps avec leur nation.

      Présentation des acteurs, les 4 candidats en tête.

      N°1 dans les sondages, Ollanta Humala, « populiste de gauche ». Ex militaire, indien, il est présenté comme l’ami de Chavez au Vénézuela ou Morales en Bolivie. Il a le prémon d’un soldat inca. Sa couleur de peau le légitime auprès de l’électorat populaire. Pas besoin d’en faire trop. Son taff à lui? Plutôt porter le costume-cravate pour que les investisseurs péruviens lui fassent enfin confiance. Mais quand il plonge vers ses racines, on y croit.

      N°2 dans les sondages, Keiko Fujimori. Fille d’Alberto Fujimori, ex président plus que contesté. Pour les uns, il a sorti le pays du terrorisme. Pour les autres, il a rempli ses poches et ordonné des exactions au passage. La justice a tranché: 25 ans pour violation des droits de l’homme. Sa fille, malgré tout, est prisé des milieux populaires. Son père faisait le tour des campagnes en tracteur, elle est diplômée d’une grande université américaine. Du coup elle multiplie les coiffes et robes traditionnelles pour se donner une caution paysanne. On la sent mal à l’aise.

      N°3: Alejandro Toledo. Président de 2001 à 2006, il est l’exemple du self-made man. 5e d’une famille pauvre de 16 enfants, il s’est fait seul et a échappé à son destin de « cholo », le nom qu’on donne aux péruviens des montagnes, trapus et rondouilards comme lui. Partisan du libéralisme, il ne sort plus sans son bonnet paysan traditionnel, le « chuyo ». AZ la manière dont il tombe, on sent que ça fait longtemps qu’il ne l’a pas porté. Par contre, le poncho lui va bien. Egalité.

      N°4. Luis Castaneda. Il a réussi l’impossible: moderniser Lima, la capitale lors de son mandat de maire qui vient de s’achever, tout en gardant une image d’homme de gauche. « Lucho » comme on l’appelle ici  pioche un peu partout: racines incas mais aussi peuples indigènes comme ceux de ma Selva. Il n’en fait pas trop, n’oublie personne: modeste. Au final, peut-être une stratégie payante.

      Alors vous en pensez quoi? J’attends les votes!

      Keiko Fujimori en tenue de campagne à Huancavelica
      Alejandro Toledo porte le bonnet « le chuyo » comme personne
      Le même Toledo en fan de foot
      Keiko, coiffée
      Keiko a aussi la jupe et danse le huayno
      Luis Castaneda n’oublie pas les peuples indigènes, ceux de ma Selva
      Luis Castaneda a de plus en plus d’amis indigènes
      Le poncho ouvrira-t-il la voie d’un nouveau mandat pour Toledo ?
      Bavarois Castaneda? Non, Inca.
      Ollanta réinterprète le paysan traidtionnel
      Humala en Empereur inca: on croirait Ben Hur.
      Le bonnet, Toledo mise vraiment tout dessus

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      05. avril
      2011
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      19

      Condamné à rêver: Alimou, blogueur guinéen

      Mamadou Alimou Sow, 30 ans, blogue depuis Conakry en Guinée. Je ne sais même pas où ça se trouve sur une carte. Jusqu’ici je le connaissais virtuellement : quelques posts sur Mondoblog, comme cette photo d’un homme perché sur une montagne dans l’espoir de capter le réseau mobile qui m’avait fait sourire. A Dakar,  le virtuel est devenu réalité. Le matin même, il nous offrait un petit bracelet aux couleurs de sa Guinée : rouge, jaune et vert. Délicate attention, pensais-je. Quelques paroles, quelques regards. Nous nous retrouvons face à face dans l’exercice du portrait. Il me propose de nous asseoir sous le manguier. Premières impressions : doux et sage.

      Alimou vient de l’ethnie Peule, regroupée dans la Moyenne Guinée. D’un petit village musulman où ses parents cultivent et élèvent quelques bêtes. Il a grandi dans une case, au bord des champs, seul diplômé d’une vaste famille. Combien ? « Chez nous on ne compte pas, ça porte malheur ». Il cherche. « 4 frères et 2 sœurs… Pour l’instant ». Une façon de conjurer le sort.

      Dans le village c’est l’école coranique qui prime. Il y est inscrit à 6 ans.  L’école française ce ne sera qu’à 10 ans. Puis, un sans faute: collège et lycée à Conakry chez un oncle, bac en 2003, concours d’entrée à la fac et «attribution» d’une place à Labé, au centre du pays. « Les autres ne sont pas moins intelligents, j’ai juste bénéficié de bonnes coïncidences.» Doux, sage et modeste donc.

      Déjà il avait coché comme priorité lettres ou relations internationales, les deux matières qui avaient à voir avec le journalisme. Ce sera anglais et bureautique. « J’ai rempli une fiche mais, au final, ce sont eux (l’administration) qui choisissent ton choix », sourit-il. Il sort, diplômé en administration générale mais l’un de ses premiers jobs sera correspondant local à Labé d’une radio privée. On ne renonce pas à ses rêves.

      Depuis il «travaillote» : observe les médias guinéens pour l’Union Européenne lors de la dernière élection présidentielle, participe à Mondoblog avec « Ma Guinée plurielle » et développe des « projets », le genre dont on ne parle pas avant qu’ils se concrétisent vraiment.

      Et le village ? « Quand j’y retourne, une ou deux fois par an,  je m’intègre, à part quand mon physique ne peut supporter certains travaux ». C’est vrai qu’il est plutôt chétif, silhouette d’intello. Sa vie aujourd’hui est très loin de celles de ses parents. « La préoccupation des gens chez nous c’est comment vivre au jour le jour et mourir en ayant suffisamment pratiqué pour entrer au Paradis. Le minimum leur suffit. Les ruraux ont des rêves limités. Ils sont tranquilles. » Et les intellos ? « Je suis obligé de rêver », s’excuse-t-il. « J’ai Facebook, j’ai Twitter, j’ai un Blog. J’ai des amis citadins, des potes d’école et maintenant tout un réseau virtuel. Ce sont des fenêtres ouvertes. » Ces fenêtres, je les ai rencontrées aussi au Pérou, miroir aux alouettes quand les frontières réelles sont de plus en plus verrouillées. Ce qu’il en pense ? « Tu vois là où tu veux aller sans pouvoir y aller. C’est comme vouloir posséder un IPad sans avoir les moyens ni même de le toucher. » Alors il célèbre les petites victoires : Dakar, première fois en avion, un post évidemment. Et s’emballe « je suis guinéen mais je me définis comme un citoyen universel. Bien sûr que je veux voyager, découvrir tout, le Nord comme le Sud. Peut-être que j’aurais une femme française ou péruvienne… » Plus si sage ? Juste un petit clin d’œil. Au fond, il a des rêves tout simples : un bon job, une famille. L’un implique l’autre. L’un après l’autre. Pas si facile dans un pays où « tous les jeunes rêvent de partir, car il n’y a rien à faire, pas de travail». Lui profite de sa chance : « je mange bien, je dors bien, je bois de l’eau potable. Et, même ici, dans cette aventure, je pense à ma mère. J’aurais aimé qu’elle goûte à ce confort. Chez nous le bonheur c’est forcément le partage.» Doux et sage, je vous l’avais dit. Le gendre parfait!

       

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      04. avril
      2011
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      11

      Pérou-Sénégal: un partout

      Pour ce premier jour à Dakar en formation avec RFI et Mondoblog, je suis partie humer l’air de la rue. La même poussière, le même joyeux chaos, les mêmes « mamitas » et ambulants, je n’étais pas vraiment dépaysée. Mais quand je pose la question: « je viens du Pérou, vous connaissez? », je me sens plutôt loin.

      Des flots de poussière et de sable soulèvent les rues. « Ici, il faut marcher comme si on pataugeait dans l’eau », m’explique un ami dakarois. Je longe une rangée de six marmites gigantesques sagement alignées sur leurs feux de bois à l’occasion du décès d’une voisine du quartier. Des femmes en boubous chuchotent, en petit groupe, au soleil. De l’autre côté de la rue, les hommes font de même à l’ombre des boutiques, Quelques chants aux allures patriotiques s’élèvent. Dans un coin repose la tête du bœuf dépecé pendant la nuit pour la cérémonie. Ambiance. Je tourne à l’angle de l’hôtel et déjà le flot de la rue m’assaille.

      Des mini bus cahotent parés de dessins bleus et jaunes d’où émergent des boubous soyeux et des coiffes enturbannées qu’on appelle ici « mouchoir de tête ». Un troupeau de vaches longe le périphérique d’un pas nonchalant. Quelques chèvres attachées au carrefour broutent le macadam. Et une foule d’ambulants qui ont déployé leurs stands et font comme partout dans les pays en voie de développement: vendre quelque chose plutôt que ne rien faire.

      J’avais écrit dernièrement sur ce « sel de la rue péruvienne », les mamitas, je les retrouve ici sous le nom wolof, le dialecte majoritaire, de « serignebi » ou « sornasi », « mon frère » ou « ma soeur », voire, si ils sont plus jeunes, « grand » ou « miss ».

      Qu’est ce qu’ils vendent? Du savon, des sandales, des montres, des mangues rondes. Dans un coin, un kiosque offre cigarettes, cafés, cookies, bonbons à la menthe, mouchoirs Il est tenu par un Guinéen posté ici dans l’espoir de mieux.

      Les mégaphones posés à même la marchandise ont remplacé l’organe des ambulants: ce sont eux qui se chargent de répéter en boucle les offres du jour. Point de « cumbia » ici mais une ritournelle qui dit « elles sont belles, elles sont belles mes ceintures. Deux pour le prix d’une ». Le propriétaire du stand ne s’époumone plus et somnole dans l’attente du client appâté.

      Le bruit, la poussière, l’économie de survie, je suis en terrain connu.

      Mais, ici, les enfants, pieds nus, s’agrippent, les mains se tendent rapidement, les « talibais », élèves des écoles coraniques, se chargent de l’aumône pour leur « marabout » ou leur « guide », les estropiés se postent au bas des escaliers: la mendicité est partout. Plus oppressante.

      Pour le reste, les métiers de la rue sont similaires: vendeurs à la criée, petits kiosques… Je cherche les nouveautés. Et m’arrête devant un inédit: manucure et pédicure. Au Pérou, on cire les chaussures. Ici on nettoie,coupe, lime, une fois par semaine pour 1500 Francs CFA (2, 30 euros). Les outils sont au sol sur un petit chiffon rose, les clients sur de micros-tabourets et le maître d’œuvre au sol courbé devant la main qui se tend.

      On invente aussi. Deux vendeurs de lessive répartissent le contenu d’un grand paquet, 10 000 Francs CFA en petits sachets qu’ils vendront en une journée ou deux. Plus-value? 2000 francs CFA (3 euros). « Quelque chose plutôt que rien ».

      Partout, je risque la question: « Pérou? » Le nom roule en bouche « pérrrou, pérrrou » et se perd dans les limbes des mémoires de vieilles cartes accrochées sur des tableaux noirs. On hésite: « américaine? » Au Pérou, l’Afrique est résumée sous une majuscule, un peuple de Noirs et des dialectes étranges. Ici, le Pérou est un mot qui résonne à vide, n’évoque rien.

      L’habit ne trompe pas: il faudra croiser un quadra lunettes griffées, sa femme en boubou doré et leur petite fille tressée pour faire mouche… « Pérou? Oui, Lima. » Il est immigré en Italie, le nouveau pays de prédilection des sénégalais depuis que la France n’est plus Terre d’accueil, et a rencontré sur sa patrie d’adoption plusieurs latinos. Il va jusqu’à évoquer des souvenirs que les péruviens ne s’autorisent même plus:  » ils étaient au Mondial de 1982 avec le maillot rouge et blanc. » Le sport forcément, ce qui unit le mieux. Si le Pérou veut éveiller de nouvelles ardeurs, se remettre au ballon rond serait peut-être la solution. Autre option? Conquérir les arènes de lutte, le sport n°1 au Sénégal. Car ce qui préoccupe les gens en cette matinée est le combat au sommet entre deux légendes au nom dignes de chevaux de course: « Modou Lô » ou « Lac de Guiers 2 ». Deux gladiateurs des temps modernes qui s’affronteront quelques heures plus tard. Avec des noms aussi prestigieux que Viracocha, Pachacutec ou Atahualpa, puisés au hasard de leurs racines incas, je prédis un certain succès à la lutte péruvienne. A suivre.

       

       

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      31. mars
      2011
      C'est pas le Pérou!
      6

      Le blues de la Mamita

      Je suis en France depuis près d’un mois et il est de temps de le dire tout net: la « mamita » et son alter ego masuclin, le « papacho », me manquent cruellement. Qui sont-ils? L’âme des villes péruviennes: des ambulants qui surgissent aux endroits et aux heures les plus improbables pour devancer vos désirs.

      Si Lima, la capitale, les relèguent dans l’ombre, ils occupent le devant de la scène partout ailleurs.  Voulait-elle faire cela quand « elle serait grande »? J’en doute mais, en attendant, je lui dis MERCI.

      Elle déballe ses casseroles sur la place du village pour servir ce qu’elle a cuisiné au petit matin: du riz et des légumes, des spaghettis sautées, des pommes de terre et un oeuf dur…

      Elle se lève dans la nuit pour vous cueillir au saut du bus avec son maté brûlant, une tisane de feuilles de coca, de menthe, d’anis servie avec du pain et du fromage.

      Elle rentre dans les bars et attend sagement à la sortie des boîtes de nuit quand la ville dort, cigarettes et chewing-gum en bandoulière.

      Elle grimpe à l’assaut des bus avec ses sandwichs au poulet ou ses épis de maïs chauds et son fromage. Et si on ne la laisse pas grimper vous tend une bouteille d’eau ou de soda par la fenêtre et ne laissera jamais le bus repartir sans vous rendre scrupuleusement la monnaie.

      Elle est postée au coin des rues, portable autour du cou, pour ceux qui veulent communiquer sur un autre opérateur, qui ont laissé leur portable à la maison ou n’ont pas assez pour une recharge.

      Parfois la « mamita » et le « papacho » sont des enfants aux yeux noirs perçants ou des vieux chancellants et vous achetez un paquet de bonbons ou de pop-corn rassis sans savoir très bien par où commencer pour faire plus.

      A quelle heure se lève-t-elle? Où vit-elle? Dans quelles conditions? La « mamita », fière, ne dira pas grand chose. C’est une femme de l’ombre qui surgit sans que vous l’ayez vu venir et s’y noie à nouveau. Elle continue, marche droit devant. « Seguir adelante », ce mot si cher aux péruviens: se relever et avancer. Ni pour s’abriter ou se projeter mais pour vivre.

      Quand la « mamita » aura disparu des rues péruviennes, espérons que c’est parce qu’elle aura trouvé sa place dans une société qui la rudoie. Elle est sanitairement risquée, un peu plus chère et donne une image négligée de la rue qui ne plaît pas à un pays en quête de modernité. Je souhaite à la « mamita » de trouver un métier, une sécurité, un espace pour se poser et penser à demain plutôt qu’aujourd’hui. En attendant elle est le rouage, le sel de la rue, la vie. Et méritait bien ces quelques lignes.

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      22. mars
      2011
      C'est pas le Pérou!
      3

      Café équitable et bio: une supercherie?

      Droits. Plantu.

      Chaque fois que je rentre en France et me promène dans les vastes rayons des grandes surfaces, je remarque comme le « bio » et « l’équitable » sont devenus ici des arguments marketing. Acheter un produit labellisé permet de se dédouaner, de consommer mieux et plus juste. Mais qu’est ce que cela change au juste pour le « petit producteur » en photo sur le paquet? Pas grand chose.

      Quand je n’étais qu’une consommatrice de café peu avertie, j’achetais équitable, pour « faire un geste », être responsable et appuyer la marche vers un monde plus juste. Il me semble qu’on arguait que les prix de vente étaient de 30% plus chers qu’un café équivalent mais sans traçabilité de sa provenance car les petits producteurs qui en étaient à l’origine gagnaient eux aussi 30% de plus.

      L’année dernière, dans la Coopérative Vallé Ubiriki où notre plantation est inscrite et qui a toute une pléiade de certifications (Rainforest, Fairtrade, Starbucks…) le café a été acheté au moment de la récolte exactement le même prix que n’importe où dans la ville, où la qualité et les méthodes de production en sont pas contrôlées. En décembre, il était temps de « régulariser » et de faire bénéficier les producteurs des avantages de la Coopérative qui exige une attention écologique et sociale bien plus grande: ils ont donc gagné 0,10 soles de plus au kilo. Soit 2% de plus que ceux qui produisent sans se soucier du personnel, de la pollution des eaux, ou de la reforestation. Les pesticides ne sont pas une menace si grande sur la qualité, ils sont bien souvent de toute façon trop chers. Ici on est bio par soucis d’économie bien plus que par soucis éthique. On cultive son café de manière « naturelle » car l’argent ne permet pas d’investir dans des produits chimiques coûteux. Et on est inscrit dans une Coopérative car ça paie mieux. Enfin cela payait mieux.

      Pourquoi seulement 2%? D’après l’ingénieur responsable de la Coopérative, la faute au marché trop florissant. « Les prix du café conventionnel, le tout venant, ont beaucoup monté ces deux ou trois dernières années. Si bien que les bios ou équitables nous achètent au même prix que le marché. » Une bonne aubaine pour l’ensemble du secteur et pour les pays dont l’économie est liée à cette matière première, mais une vraie mauvaise passe pour les Coopératives. « Les paysans sont venus chez nous car ils pensaient gagner plus. Certains veulent partir car cette année non plus on ne paiera pas plus que n’importe quel autre acheteur. Il est difficile de leur faire comprendre qu’intégrer une Coopérative c’est voir à long-terme. Dans deux ou trois ans, si le marché s’effondre à nouveau, ceux qui ont continué avec nous bénéficieront de prix plancher alors que les autres seront aux mainx d’un marché au plus bas. »

      Et c’est tout l’enjeu: réussir à motiver les producteurs pour qu’ils restent, s’inscrivent et débutent le changement de leurs infrastructures dans une vision à long-terme. Dans un pays où la méfiance est reine et tout peut se perdre d’aujourd’hui à demain, le long-terme est un luxe que l’on se permet peu.

      En face les Coopératives ont bien du mal à répliquer. Elles sont devenues de vastes entités administratives, lourdes à gérer et dépensières. La nôtre par exemple regroupe 250 producteurs sur des dizaines et dizaines de kilomètres de plantation. Les producteurs qui se fédèrent au sein d’une même communauté, si ils ne bénéficient pas d’un prix plus attractif, se sentent souvent compromis avec la Coopérative car elle a amélioré l’accès à la route, ouvert une école, fait venir l’électricité. En effet les excédents de gains payés par les labels n’étaient souvent pas reversés directement au petit producteur (dieu sait ce qu’il pourrait en faire….sombrer dans les affres de la société de consommation… meilleur que nous décidions pour lui…) mais à des oeuvres sociales et collectives.

      Le prinicipe était bon tant qu’il restait géographiquement centré et communautaire. Or, aujourd’hui les Coopératives raccolent et se retrouvent avec des producteurs éparpillés et isolés qui ne voient aucune avancée dans leur village ou communauté. Normal, leur voisin appartient à une autre Coopérative et ainsi de suite. Il a donc le sentiment que la Coopérative n’est qu’une entourloupe de plus.

      D’autant que lorsqu’on « grandit », il faut acheter des terrains aux abords de la ville, faire construire de jolis locaux, doubler le nombre de secrétaires. Les décisions du Bureau qui permettent d’assurer la persistance de la Coopérative et lissent son image (ça marche tellement bien qu’ils ont pu avoir enfin des locaux décents, pensent les certificateurs des labels) sont souvent perçus comme une arnaque de plus aux yeux des petits producteurs qui cherchent à joindre les deux bouts. Difficile de faire cohabiter les deux mondes. Plaire aux certificateurs et convaincre les producteurs de son utilité.

      Car à quoi servent les Coopératives pour les producteurs? Elles offrent les services d’ingénieurs agronomes et de techniciens qui peuvent venir visiter l’exploitation et vous orienter. « Les fabricants de produits chimiques font de même et en plus nous offrent des ristournes », réplique-t-on chez les producteurs. Elles mettent à disposition un espace de séchage (sur des sols en ciment, comme exigés par les certificateurs) ou une secadora, machine qui sèche, seule le café. Elles stockent et vous permettent de vendre quand vous le souhaitez. Les acheteurs de la rue font de même, mais souvent, si vous venez faire sécher votre café chez eux, ils grappillent sur les prix au moment de la vente définitive faisant ainsi acquitter un droit de séchage et de garde.

      Plus solide et surtout plus formelle, la Coopérative ne joue pas à ce jeu là. Le producteur qui y adhère est donc un peu plus libre. L’acheteur véreux pèse avec une balance allégée de quelques kilos, la Coopérative devrait être plus honnête. Il semble que oui mais les producteurs, suspicieux par nature, n’en sont pas convaincus. Des décennies de méfiance ne se modifient pas en si peu de temps. Conclusion: maigres avantages par rapport aux coûts demandés. Car contrairement à l’acheteur qu’on arrose d’une bière quand il a été sympa, la Coopérative exige plus.

      Le vrai point d’achoppement, c’est le coût de ces certifications. Car si l’entrée à la Coopérative est payable sur plusieurs années, les certifications doivent être payées à part, au bout de trois ans. 50 dollars pour Starbucks, 50 dollars pour Rainforest, 50 dollars pour Fairtrade et ainsi de suite, aux frais du producteur. Ces frais s’ajoutent à ceux qu’il devra faire pour planter plus loin du cours d’eau, construire un espace pour le compost, retraiter les eaux usées du café et celle de la consommation courante. Des aménagements qu’on lui demande de faire les trois premières années de son entrée probatoire à la Coopérative, à financer grâce aux 2% de gains par an, sans doute.

      Bien que, au final, ces changements soient nécessaires pour une pérennité des cultures. Bien que, au final, si il n’y a plus d’eau ou si elle est trop polluée pour s’y baigner ou la consommer ce seront les producteurs, leurs voisins ou descendants qui devront s’en débrouiller. Bien qu’au final, des saisonniers mieux traités, travailleront mieux et reviendront l’année suivante. Il est très difficile de valoriser ce discours si il n’est pas accompagné d’un appui financier, d’un soutien dans les démarches. Une certaine marge qui permettrait au temps de faire ses preuves et aux producteurs de se rendre compte, au fil des années, que les labels ne sont pas sortis des esprits malades de gringos bien pensants pour les contrarier, mais aussi d’études pratiques qui rêvaient d’un monde plus juste et pérenne pour eux. Mais quand on est producteur de café au Pérou, tout comme agriculteur en France, les belles idées on n’y croit que quand on palpe une différence dans sa réalité.

      NB: Sur le commerce équitable et son buisness, Christian Jacquiau nous amène en coulisses. https://www.monde-diplomatique.fr/2007/05/DESSENNE/14748

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      16. mars
      2011
      Couleur Cafe
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      Etre fier du Pérou

      Au Pérou, la fierté et l’orgueil se portent en bannière. Et même si le pays est immense, les climats et cultures différentes et le peuple éparpillé, le sentiment national et la fierté sont ancrés profondément. A l’heure où je vous écris, je suis de retour en France pour un moment et le Pérou ici, qui ni se révolte ni ne tremble, ne préoccupe personne dans l’actualité. Difficile donc de vous faire vivre des aventures. Heureusement je suis tombée sur ce guide qui se feuillette, pour moi comme un livre de souvenirs, pour vous comme une mise en bouche alléchante et qui s’intitulent « 101 raisons d’être fiers du Pérou. »

      Quelques extraits de ce guide, publié par Livinginperu.com, un site dédié aux touristes, expat et péruviens en anglais. Le guide, lui, est disponible en français, en format PDF et sur simple téléchargement.

       

      En voyant la ferveur populaire et la folie médiatique qui s’est emparé du Pérou depuis que le dernier de cette liste hétéroclite des surprises péruviennes, Margas LLosa a reçu le Prix Nobel de Littérature, on ne peut regarder ce peuple qu’avec affection. En France nous avons nos moments de gloire et d’union nationale mais beaucoup aussi où nous flagellons le pays, en bons râleurs-vendicateurs que nous sommes.

      Merci à ces amoureux du Pérou qui ont rassemblé toutes ces merveilles…

       

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      Chroniques d'une Gringa dans la jungle péruvienne

      Auteur·e

      L'auteur: Christelle BITTNER

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